Texte de Nathalie Elghoul
Ce qui m’intéresse en créant Fatima Gate (Qui est en réalité l’endroit où se trouve le dernier Check Point israélien au Liban), c’est d’utiliser cette isolation corporelle propre à la danse du ventre comme point de départ chorégraphique pour la recherche d’un vocabulaire, qui sortant d’un langage traditionnel, puisse peut-être se transformer dans un langage plus dramatique et universel. Et aussi comme une métaphore d’un empêchement non seulement physique mais aussi mental, le corps devenant le résonateur à travers lequel plusieurs voix s’expriment, chacune à sa propre façon, le tout faisant une unité malgré soi. D’essayer également de faire du corps un terrain vide et neutre, dans lequel deux langages (danse orientale et contemporaine) se confrontent, se croisent, se divisent et deviennent un seul. Une terre sur laquelle des choses peuvent se construire ou détruire. Cette confrontation m’intéresse d’autant plus que je suis moi-même d’une origine mi-libanaise, mi-équatorienne, que je me suis formée classiquement et que je pratique la danse orientale professionnellement aussi depuis quinze ans. Fatima Gate est pour moi la recherche d’une porte, d’un pont entre deux cultures chorégraphiques qui m’ont toutes les deux nourrie, mais que je sens souvent en confrontation l’une avec l’autre.
Karine Ponties répond par cette citation : Sur la Frontière de Marcel Moreau
Il serait temps qu’à l’intérieur de soi les frontières tombent.
Entre Raison et Folie, entre les organes qui sont à gauche et ceux qui sont à droite.
Entre nos hauts et nos bas. Entre le bien et le mal, et même entre la Vie et la Mort.
Il serait temps que la conscience soit cette nomade absolue qui ne voit jamais où commence le pays traversé, ni où il finit.
Il serait temps que nous ne soyons les ressortissants de rien, sauf de l’insondable.
Il serait temps que nos sens se changent en cavaliers de hordes inouïes, sans foi ni patrie, pures de tabous, de douanes superflues, de boussoles psychanalytiques, et possédant un flair animal, dressé à humer de loin les savoirs interdits.
Il serait temps que nous nous grisions de ces espaces encore inconnus de nous, s’ouvrant sur les confins de notre identité vraie. Il serait temps que je n’aie d’autre horizon que ma vertigineuse complexité, puisque c’est en elle que je peux jouir sans frontières de la féroce et caressante poésie de ne m’en fixer aucune.