Le béni pacifique dévoile un épouvantail sans tristesse, simple et passager, catapulté hors du champ dans la steppe, comme les manteaux décharnés, gonflés par les vents, qui émeuvent les pierres et, dit-on, font fuir les loups.
Comment l‘être humain, si fragile, a-t-il réussi à envisager le monde ? C’est en étant sensible au moindre mouvement.
Le béni pacifique
Si l’on considère tous les mouvements du monde sans distinction d’échelle, le pas d’une fourmi, la rotation de la terre, le ressac sur la grève, la révolte d’un peuple, le coeur qui bat dans une poitrine, le séisme au fond de l’océan, le vent dans les feuilles, et qu’on laisse un corps s’en imprégner, les récolter tous, on obtient par lui la traduction la plus hasardeuse mais la plus construite qui soit ; un chaos pacifié et incarné.
La pacification c’est se mettre en paix avec ses propres énergies, ou celles qui nous traversent.
Sa traduction dans le monde
Il évolue au sein d’une matière fluide comme dans un air épais sans plus de gravité ; un être qui se prend à révéler le vent, comme lui imprévisible, aspirant à la vie dans une plénitude solitaire. Pour inventer, envoûter, éventer, engouffrer. Une palette si vaste et définie qu’elle reflétera plus le vivant que le monde par ce corps. Un feu follet, figure passagère, simple et joyeuse, qui se laisse traverser. Laissant prise, n’opposant qu’une force organique plutôt qu’une pensée, une préhension de la joie plutôt qu’une exaltation du jeu.
La figure
Il se laisse traverser ou reprend possession de lui, doute de l’origine du mouvement.
C’est un éphémère. 30 minutes, quelques heures, tout de sa vie d’imago. Le temps pour lui d’une consomption généreuse, balloté par des forces plus vives et pérennes que les siennes. Le baladin des steppes humides plonge dans la vie pour la dévorer, contrarié, humilié par des forces qui lui sont supérieures, luttant à une échelle inférieure, règne sur son cycle autonome, nait, renaît, et se boit jusqu’à la lie. Il brûle en quelques heures ce qu’il a accumulé toute une vie. Sans limite.
La liberté
On ne sent la liberté que lorsqu’on a idée de l’enfermement.
Il n’est pas accroché à un point ; c’est un épouvantail par hasard, un morceau de plastique porté par les désirs de l’air. Une flamme qui fait fuir. C’est sa liberté qui fait peur, ce vent qui tourne sans prévenir.
Un corps saisi d’un souffle qui tarit, s’épuise.
Un corps animé, saisi de plusieurs énergies, exposé aux quatre vents ne peut pas s’épuiser, lorsqu’une force faiblit, elle cède la place à sa supérieure. La liberté est l’action de se maintenir au milieu de ces forces.