Un corps s’élevant au-dessus de son propre chaos, on le dirait atteint aux jambes d’un mal compliqué. Une identité trouée, une pensée trouée, un langage troué qui s’exerce à la naissance de la langue. Les mots-souffles, un corps nouveau, un projet d’exil, un rêve en action, jusqu’au bout.
La métamorphose d’une matière brute du corps comme celle du verbe avec jouissance et angoisse qui interroge le lien entre les deux.
Des premiers aux derniers pas, l’homme ne fait après tout que tenter de rester debout. De la terre à l’épine dorsale, la verticalité comme principe mais aussi comme question.
Si on essaie de faire corps avec le mot alors on fait corps avec le monde. Fureur de l’esprit et fureur du corps. Rattacher les mots aux mouvements physiques qui leur ont donné naissance et que le côté logique et discursif de la parole disparaisse sous son côté physique et affectif, que les mots soient perçus comme des mouvements.
Du murmure au cri.
Comme s’il fallait ne pas s’arrêter de naître.
LA FIGURE DE L’ÉPOUVANTAIL
Poète de la nuit des temps qui trône toujours à l’angle des champs, l’épouvantail ne s’explique pas : un faux-semblant, un croquemitaine, un ogre, un sceptre, un protestataire, un crucifix, un sens interdit, une tour, un sablier…
Un épouvantail est pour moi une figure émouvante et contradictoire, un solitaire soldat de l’effroi qui n’a jamais effrayé personne. Il fait partie de l’imaginaire. Cet être vertical est comme le double de l’homme, un autoportrait qui ne dit pas son nom, un panneau sans interdit, un protestataire qui nous ouvre les bras quand il n’est pas pendu, ligoté ou crucifié.
C’est un être à l’abandon et dans l’abandon.
Donner vie à un épouvantail c’est redevenir vivant, faire renaître, recomposer, réapprendre. Essayer d’atteindre ce lieu où se produit le double mouvement vertical de chute et d’élévation. Contradiction vitale d’un être vivant.
Une difficile mise au monde d’un corps ou d’une parole tous deux liés, qui recommence toujours.
babil appartient au Cycle des Épouvantails et fait suite à « Fidèle à l’éclair » et « havran ». Les trois figures se trouvent réunies dans la pièce « Humus vertebra » : la rencontre absurde des trois.
Un quatrième solo, « Benedetto Pacifico », se joint au Cycle en septembre 2011.