Pascal Brullemans, à propos de Brucelles

Pascal Brullemans
5 mai 2003

Il est une chose extraordinaire

Que du gris se détache la voix claire de cet homme

Je me suis approché de ce regard perdu qui parle en nous ignorant

Le petit homme

Les gens qui nous voyaient disaient souvent : ainsi les spectres vont par cinq.

Cinq frères plus âgés ou plus jeunes.

Ou bien cinq moi-même, multipliés autant de fois qu’il y avait du travail dans cet asile où nous servions les clients comme si la maison Usher tenait l’affiche sur la grande place.

Je sais qu’à cette époque, il y avait encore nos parents et qu’ensuite ils sont disparus, laissant la mécanique marcher toute seule.

Les clients revenaient et tout allait par paires, dans une rigueur hallucinée.

J’ose alors une question

Moi

Qu’est-il arrivé ensuite?

Il se mit à rire en me répondant.

Le petit homme

Elle est venue chez nous.

Elle s’est glissée simplement, comme une chose.

Il y avait tant à faire dans cet hôtel qu’elle ne fut même pas introduite. Elle s’imbriqua.

Les gens s’en vont, même si les choses restent.

Il fallait donc faire vite et c’est d’abord André, le seul qui s’en est sorti en devenant clochard, je crois, qui l’a séduite en premier.

Et puis Théo, l’aîné, l’intellectuel, qui est sûrement le plus timbré et qui s’est tué pour elle.

Mais moi, je l’ai conquise par les petites cuillères.

J’aimais ses jambes fortes comme celle d’une autruche ou d’une sauterelle.

Puis elle est disparue.

Moi

Et alors?

Le petit homme

Alors j’ai cassé les assiettes et puis j’ai mis le feu.

La porcelaine éparpillée.