Le point de départ de cette fable hallucinée pour trois interprètes est l’épouvantail, cet être vertical, absurde et flottant à tous les vents qui se tient entre ciel et terre. L’épouvantail hante ainsi la pièce, mais de manière secrète, sous-jacente. On retrouve dans ce trio tous les ingrédients qui font le goût original des œuvres de la chorégraphe belge : une atmosphère fabuleuse, une tendresse comique étrangement teintée de la profondeur du doute, des sculptures d’hommes, de l’équilibrisme, de la manipulation d’objets et des films courts projetés sur le plateau, le tout savamment entrelacé. Ici, la partition graphique signée Stefano Ricci, également auteur du livre d’illustrations du même nom, met en scène des personnages hybrides entre homme et animal, comme des apparitions. Le tracé fragile mais net d’une poésie de l’instant au cœur d’une illusion : l’incertitude d’être.
LA FIGURE DE L’ÉPOUVANTAIL
Poète de la nuit des temps qui trône toujours à l’angle des champs, l’épouvantail ne s’explique pas : un faux-semblant, un croquemitaine, un ogre, un sceptre, un protestataire, un crucifix, un sens interdit, une tour, un sablier…
Un épouvantail est pour moi une figure émouvante et contradictoire, un solitaire soldat de l’effroi qui n’a jamais effrayé personne. Il fait partie de l’imaginaire. Cet être vertical est comme le double de l’homme, un autoportrait qui ne dit pas son nom, un panneau sans interdit, un protestataire qui nous ouvre les bras quand il n’est pas pendu, ligoté ou crucifié.
C’est un être à l’abandon et dans l’abandon.
Donner vie à un épouvantail c’est redevenir vivant, faire renaître, recomposer, réapprendre. Essayer d’atteindre ce lieu où se produit le double mouvement vertical de chute et d’élévation. Contradiction vitale d’un être vivant.
Une difficile mise au monde d’un corps ou d’une parole tous deux liés, qui recommence toujours.
Ce projet est la déconstruction et la rencontre des personnages créés sur le même thème dans les solos « babil », « Fidèle à l’éclair » et « havran ». Extraits de leur contexte initial, ils se glissent dans une seconde peau, catapultés ensemble dans cette pièce, Humus vertebra.