Un corps qui porte sur lui la ligne courbe de l’horizon. Un signe inscrit à l’encre noire sur un paysage, pris dans le vent qui génère en lui des formes multiples, tant concrètes qu’abstraites. Un signe élégant, marchant posément au sol, s’envolant sans effort et glissant sur le monde.
Un corbeau, signe de malheur, parfois, puisqu’il est à l’occasion charognard et a toujours suivi les hommes sur les champs de bataille, à travers les catastrophes. Mais aussi un signe de vie.
Un être en perpétuel changement qui essaie de se fondre dans le cadre, en simulant l’animal qu’il est censé éloigner. Ouvert aux quatre vents, en permanence traversé par des courants d’air. À travers les orifices de son corps, entre le bas et le haut permutés, le souffle circule. Désespérément ouvert.
Sentinelle fidèle des champs désertés qui survit à son temps en se réinventant constamment. Rappelant aussi ces nouvelles tentatives de répulsifs de nos temps modernes, où l’on ne trouve pas mieux que d’essayer des épouvantails plus vrais que nature : le corps d’un oiseau mort, exposé en posture d’alarme, prêt à l’envol.
LA FIGURE DE L’ÉPOUVANTAIL
Poète de la nuit des temps qui trône toujours à l’angle des champs, l’épouvantail ne s’explique pas : un faux-semblant, un croquemitaine, un ogre, un sceptre, un protestataire, un crucifix, un sens interdit, une tour, un sablier…
Un épouvantail est pour moi une figure émouvante et contradictoire, un solitaire soldat de l’effroi qui n’a jamais effrayé personne. Il fait partie de l’imaginaire. Cet être vertical est comme le double de l’homme, un autoportrait qui ne dit pas son nom, un panneau sans interdit, un protestataire qui nous ouvre les bras quand il n’est pas pendu, ligoté ou crucifié.
C’est un être à l’abandon et dans l’abandon.
Donner vie à un épouvantail c’est redevenir vivant, faire renaître, recomposer, réapprendre. Essayer d’atteindre ce lieu où se produit le double mouvement vertical de chute et d’élévation. Contradiction vitale d’un être vivant.
Une difficile mise au monde d’un corps ou d’une parole tous deux liés, qui recommence toujours.
havran appartient au Cycle des Épouvantails de même que Fidèle à l’éclair et babil. Les trois figures se trouvent réunies dans la pièce Humus vertebra : la rencontre absurde des trois.
Un quatrième solo, Benedetto Pacifico, se joint au Cycle en septembre 2011.