Un corps, celui du croquemitaine. Le croquemitaine est assimilé à toutes sortes de personnages effrayants, comme des soldats afin d’effrayer les enfants. Son rôle est souvent de marquer des interdits sur des moments ou des lieux considérés comme dangereux. Il s’emmêle les guibolles et les bras, comme poussé par un vent fort. Il s’étire à outrance.
Il va et vient avec des gestes bizarres, des effacements et des agrandissements subits, donnant la sensation de je ne sais quel être fantastique que l’approche d’une face humaine ferait défaillir.
Il assume sa fonction de redresseur de torts, ne pas stagner sur sa baguette. Il est né comme ça sur un coup de colère et par un temps de rage.
« (…) c’est à une tout autre suspension que se livre un remarquable danseur, Claudio Stellato. Dans un solo, Fidèle à l’éclair, chorégraphié par la Belge Karine Ponties, il parvient à prendre la forme d’un épouvantail. Contraint par son piquet, Stellato s’emmêle les guibolles et les bras. Comme poussé par un vent fort, il s’étire à outrance. Puis se libère et part gambader dans le jardin, chute et se relève. Le sang lui monte à la tête : joues gonflées, il semble prêt à exploser. Tout est joliment tourné, le solo est une performance. Pas sûr qu’il fasse fuir les volatiles, qui devraient plutôt se poser sur lui tant il est avenant. Cette pièce est la première d’une série (à suivre) créée sur le thème de l’épouvantail, ancestral, inquiétant et poétique.» Marie-Christine VERNAY, Libération, 20 juin 2008
LA FIGURE DE L’ÉPOUVANTAIL
Poète de la nuit des temps qui trône toujours à l’angle des champs, l’épouvantail ne s’explique pas : un faux-semblant, un croquemitaine, un ogre, un sceptre, un protestataire, un crucifix, un sens interdit, une tour, un sablier…
Un épouvantail est pour moi une figure émouvante et contradictoire, un solitaire soldat de l’effroi qui n’a jamais effrayé personne. Il fait partie de l’imaginaire. Cet être vertical est comme le double de l’homme, un autoportrait qui ne dit pas son nom, un panneau sans interdit, un protestataire qui nous ouvre les bras quand il n’est pas pendu, ligoté ou crucifié.
C’est un être à l’abandon et dans l’abandon.
Donner vie à un épouvantail c’est redevenir vivant, faire renaître, recomposer, réapprendre. Essayer d’atteindre ce lieu où se produit le double mouvement vertical de chute et d’élévation. Contradiction vitale d’un être vivant.
Une difficile mise au monde d’un corps ou d’une parole tous deux liés, qui recommence toujours.
Fidèle à l’éclair appartient au Cycle des Épouvantails, de même que « havran » et « babil ». Les trois figures se trouvent réunies dans la pièce « Humus vertebra » : la rencontre absurde des trois.
Un quatrième solo, « Benedetto Pacifico », se joint au Cycle en septembre 2011.